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Pourquoi le gameplay incrémental donne-t-il du plaisir ?

J’ai décrit le gameplay incrémental dans un précédent article. Dans cet article, je souhaite analyser son fonctionnement.

Les jeux incrémentaux sont des jeux à dopamine. La dopamine est l’une des hormones du bien-être. Sa libération est stimulée par la récompense, mais aussi par l’apprentissage.

Accomplir une tâche dans le but de recevoir une récompense est une mécanique centrale dans la plupart des jeux vidéo. Dans les jeux incrémentaux, l’utilisation de cette mécanique est optimisée à l’extrême.

Une récompense facile à obtenir engendre un petit plaisir. Une récompense plus difficile à obtenir engendre un plus grand plaisir. Mais l’accomplissement de la tâche nécessaire sera plus ennuyeux. Il est donc idéal de multiplier les taches débouchant sur une récompense. Certaines de ces tâches devront être rapides et faciles, d’autres plus longues et difficiles. Ainsi, le temps que le joueur accomplisse une grosse tâche, il débloque de nombreuses petites récompenses.

Dans un clicker, chaque fois que le joueur clique, il est récompensé. L’intensité du sentiment de récompense est souvent amplifiée par des effets sonores et graphiques, des pièces d’or qui dégoulinent ou un bruit de tiroir-caisse.

Dans un idle, il suffit d’attendre pour être récompensé.

Le joueur a constamment des améliorations à débloquer. Certaines se débloquent rapidement. D’autres demanderont plusieurs parties.

L’effet de récompense quasi constant est amplifié par l’utilisation de gros chiffres. L’esprit humain a du mal à appréhender une progression exponentielle. Et les gros chiffres le font un peu dérailler. C’est à cause de ce phénomène qu’un trader fou peut se mettre à parier des dizaines de milliards sans avoir conscience de ce qu’il fait, comme s’il jouait avec la monnaie du pain. Dans le gameplay incrémental, le joueur profite de cette ivresse des chiffres sans nuire à qui que ce soit.

Mais ce qui fait la spécificité du gameplay incrémental est le sentiment de puissance donné au joueur dans certaines phases du jeu. Cela provoque de véritables rushs de dopamine.

Lors de la reconnexion au jeu, le joueur a gagné plus ou moins de ressources lorsqu’il ne jouait pas. En cinq minutes de jeu, il avancera peut-être autant qu’en une heure.

Et lorsqu’il recommence sa partie pour obtenir ses points de prestige, le joueur reviendra au même niveau, de plus en plus vite. Par exemple, ce qu’il a accompli en une heure, il l’atteindra en quinze minutes la partie suivante, puis en cinq minutes, puis en une minute…

De partie en partie le joueur va de plus en plus loin dans le jeu. Et c’est là que la dimension unfolding prend de l’importance. Si le joueur ne découvrait pas de nouvelles mécaniques de jeu, cela deviendrait vite ennuyeux. Mais comme les mécaniques de jeu se dévoilent au fur et à mesure que le joueur avance, leur apprentissage stimule également la libération de dopamine.

C’est également pour favoriser la dimension d’apprentissage qu’il est intéressant d’imbriquer deux boucles de prestige. C’est ce que fait Realm grinder en imbriquant abdication et réincarnation. Lors de sa première incarnation, le joueur va devoir trouver une bonne stratégie pour avancer d’abdication en abdication, jusqu’au niveau où la réincarnation est possible. Et d’incarnation en incarnation, il avancera un peu plus vite grâce aux bonus de réincarnation, tout en optimisant sa stratégie d’abdication.

Dans un prochain article, je parlerai de la monétisation de ce type de jeux. Sur le principe, certains joueurs sont prêts à payer pour multiplier les rushs de dopamine. Mais le sujet mérite un article détaillé.

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